La gratitude, la reconnaissance pour les bienfaits reçus, pour les mille cadeaux que la vie apporte jour après jour que l'on soit riche ou pauvre, en bonne santé ou malade, entouré ou isolé : voici, je crois, le facteur fondamental, le terreau à partir duquel la fleur de la prière pourra s'épanouir.
Si ce fondement, cette terre nourricière fait défaut, la prière manquera de ferveur, c'est-à-dire, d'énergie, donc de vie. Comme le grain tombé sur le chemin, elle dépérira bien vite en laissant peu ou pas d'espoir de récolte. Bref, le risque est grand qu'elle soit vaine.
Rien de bon ne peut naître de la frustration, de l'aigreur, du ressentiment ou de la peur. Une prière saine naît avant tout de l'amour, donc de la gratitude et de la reconnaissance éprouvées pour les bienfaits et les bénédictions reçus.
J'ouvre ici une parenthèse pour proposer l'idée que c'est probablement parce que la gratitude, la reconnaissance est le moins que l'on puisse attendre de celui qui a reçu des grâces sans nombre qu'il peut légitimement exister un commandement de l'amour qui resterait autrement incompréhensible. Quand Jésus dit "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement" il ne nous demande pas de réaliser par la volonté un état qui ne peut être que spontané. Il y aurait là une contradiction indépassable. Il ne nous demande pas cela, il ne nous demande pas l'impossible.
Ce qui nous est demandé est tout à fait à notre portée. C'est juste le minimum que nous soyons capable de faire : un minuscule effort d'attention sur toutes les bontés que nous avons reçues pour que, SANS AUCUN EFFORT, sans aucune VOLONTE DE NOTRE PART, puisse naître ou renaître en nous ce sentiment de gratitude et/ou de reconnaissance que notre quête incessante de futilités mondaines tend à étouffer puisqu'elle nous amène à porter attention à ce que nous ne possédons pas, à ce qui nous manque plutôt qu'à ce que nous avons reçu et qui pourrait nous combler pour autant que nous sachions nous y arrêter et nous en satisfaire.
Ce qui est postulé ici, c'est qu'en vertu de la loi fondamentale de réciprocité, cette simple attention aux bienfaits reçus est ce qui suscite SPONTANEMENT une gratitude ou une reconnaissance qui sont ni plus ni moins que la forme d'amour la plus élémentaire, celle des enfants pour leurs parents. En reconnaissant le don, le bienfait reçu, nous nous disposons aussi tout naturellement (toujours par la loi ou norme de réciprocité) à offrir en retour et donc nous nous plaçons dans cette attitude essentielle mais plus mature de l'amour qu'est le don.
Si vous me permettez ici de m'avancer encore un peu, je dirais que surgit ici l'idée que le commandement de Jésus n'est pas tant fait pour que, par l'amour que nous lui porterions, nous lui soyons "agréables" comme on peut lire ici ou là, mais bien davantage parce qu'à défaut de cet amour, nous resterions privés de tout ce qu'il a encore à nous offrir, notamment toutes ces grâces qu'il nous procure au travers de la prière pleine de ferveur, -- c'est-à-dire, prenant sa source dans l'amour -- que nous lui adressons directment ou par l'entremise de Marie.
C'est ici qu'il faut se rappeler cette étrange parole de Matthieu :
« Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a. » Mt 13:12
Ne voyez-vous pas que ce commandement nous est adressé encore et toujours par amour, pour nous aider à sortir de l'attitude désespérée du frustré, de l'éternel insatisfait "qui n'a pas" et qui, par son attitude aigrie, rendra ses prières vaines et fera qu'on lui "ôtera même ce qu'il a" ?
Je crois donc qu'en effet, on ne prête qu'aux riches. Si nous sommes riches d'amour (attentifs et reconnaissant des grâces qui nous ont été accordées) notre vie sera continûment remplie de grâces et de bienfaits. Je crois que cette dynamique est sans limite et va au-delà de ce que nous pourrions jamais oser espérer.
Voilà, je referme la parenthèse. Mais je vois qu'elle a pris presque toute la place. Peu importe, je pense avoir dit ce que j'avais à dire sur la gratitude dans laquelle il convient, je crois, de planter la graine de la prière.
La prochaine fois nous parlerons de la "réalité", donc de la foi.
J'ai relu tes anciens posts et j'ai bien aimé cette approche rationnelle et réfléchie de la prière, c'est assez inhabituel pour moi, mais j'ai trouvé ça intéressant parce qu'on y sens un vrai souci de bien faire. Et là se trouve pour moi l'essentiel. En effet dans l'image de Dieu que je cultive, je m'attache beaucoup à celle du Père parfait, de celui qui avec la plus grande bienveillance observe son enfant dans tous les efforts qu'il fait pour montrer qu'il aime son père, qu'il grandit, qu'il apprend de nouvelles choses... et ce Père si bon, qui aime si profondément son enfant et qui lit dans son cœur ne s'attache finalement que peu aux réussites de l'enfant mais est émerveillé par les efforts qu'il fait pour réussir. Il m'apparait donc essentiel en toute chose et de fait dans la prière d'examiner l’intentionnalité qui y réside et les efforts qui vont être faits pour aller au bout de ses intentions.
RépondreSupprimerJe me retrouve bien dans l'approche de la ferveur animée par la gratitude.
Après, toujours pour rester son mon image du Père, je dirai que l'apprentissage est un chemin et qui plus est long, à l'image de l'enfant qui grandit sous le regard de ses parents qui l'aiment. Ainsi une des conditions du progrès sera donc je pense de manière incontournable la fidélité, qui de toute façon m'apparait comme une des vertus principales attachées à l'Amour, j'irai même jusqu'à dire qui si l'Amour est un but, la fidélité en est le chemin. Et qu'est ce donc que la prière, sinon un dialogue d'Amour de l'âme avec son créateur ? Loin encore de cette réalité, mon âme aspire néanmoins à l'atteindre et en attendant, des moyens concrets pour imposer au mental le silence nécessaire pour ce "dialogue" sont les bienvenus car même si le Père est bon, notre âme soupire toujours plus fort vers sa patrie...
Je suis heureux que tu aies perçu le souci de bien faire qui, je crois, en effet, m'amine mais que, paradoxalement, je m'efforce de dépasser car il est aussi, d'une certaine manière, l'expression d'un souci de soi, donc d'un égocentrisme.
RépondreSupprimerComme tu le dis si bien, je crois que notre bon Père ne s'attache pas tant à la réussite ni surtout à la perfection de nos actes qu'à la constance de l'effort pour suivre les voies du Ciel.
Comme je vois poindre ici une thématique lourde de sens, celle du soi, de l'être libre que nous sommes et des exigences d'une telle situation, je vais m'en tenir là et y revenir dans un post pour lui donner toute la place nécessaire.