samedi 28 novembre 2015

De la souffrance, encore...

D'avoir parlé avant-hier avec Beata, une amie en grande détresse tant sa situation est épouvantable, m'amène à m'interroger sur ce qu'il est possible de dire à une personne dans une telle souffrance.
La tentation courante dans un tel cas, celle à laquelle j'ai succombé, consiste à donner des bons conseils dont l'effet est souvent d'autant plus culpabilisant et donc dévastateur qu'on aura pu les donner auparavant et qu'ils n'auront pas été suivis.

Il est douteux que cela soit une aide. Surtout quand l'accumulation d'épreuves proprement dramatiques est telle qu'il semble que cette amie vive une ordalie, notion qui n'appartient plus au langage courant et qui est à entendre aussi bien au sens anglais actuel de calvaire qu'au sens ancien de jugement de Dieu.

Face à la somme des difficultés rencontrées, plutôt que de réagir en s'engageant dans une interminable série de recherches de solutions toujours précaires et pas forcément désirées, sans doute vaudrait-il mieux prendre le temps de considérer l'ensemble pour s'interroger sur la possibilité sinon d'un message céleste, du moins d'une signification sous le rapport de la vie spirituelle, cad, de la nécessaire mise à l'épreuve de l'âme dans son effort pour se rapprocher du (et/ou, surtout, ne pas perdre, le) Ciel.

Une amie, pieuse s'il en est, me parlait des terribles souffrances que lui amenait une fonction respiratoire tellement atteinte qu'elle vit constamment dans une extrême fatigue qui l'oblige à prendre de très longs moments de repos complet durant la journée ; ceci suscitant en elle le sentiment d'être quasiment impotente.

De manière admirable, elle consent pleinement à cette épreuve, s'étant faite à l'idée qu'il lui était peut-être ainsi offert là la possibilité de vivre son purgatoire sur Terre.

J'y vois une admirable sagesse car elle a ainsi réussi la transmutation du plomb en or, c'est-à-dire, de la souffrance en joie, celle que lui procure le sentiment d'oeuvrer à sa purification par les sacrifices auxquels elle consent d'un coeur léger.

Beata est croyante et pourrait probablement venir à une semblable vision des choses. Toutefois un obstacle se présente qui tient à ce que le pire de l'épreuve qu'elle connaît n'est pas ce qui la concerne directement mais ce qui affecte ses enfants et qui devient presque insupportable.

Son aînée est, en effet, atteinte d'une maladie rare qui affaiblit ses muscles et qui, progressivement, la paralyse alors qu'elle se tient seulement au seuil de l'adolescence. En fauteuil roulant depuis déjà quelques années,  elle porte maintenant un énorme corset de plastique et peine à porter un verre à sa bouche. En dépit de sa jeunesse, les épreuves qu'elle connaît ont fait d'elle une belle personne, magnifique de maturité et de courage qui a, jusqu'à présent, tenu avec constance le rang de meilleure élève, à l'école puis au collège. Comment va-t-elle vivre cette chute brutale et la perspective d'une perte, inexorable semble-t-il, de ses capacités physiques ? Comment l'accompagner sans défaillir face à un destin aussi funeste ?

Y a-t-il une autre voie que celle de l'abandon à la volonté divine ?
Car il faut exclure, cela va de soi, la voie du refus, la voie du NON !

Il ne s'agit pas, bien sûr, de baisser les bras, mais de consentir à ce qui est car, comme disait Hölderlin, "là où gît le péril, croît aussi ce qui sauve."

Outre que  c'est l'acceptation du présent tel qu'il est qui nous offre les moyens de le dépasser, nous ne sommes pas obligés de le lire sous  l'angle de ce que nous avons perdu quand le malheur nous frappe. Il nous faut savoir garder attention à ce qui nous est laissé de bon qui peut nous mettre en joie et pour quoi il importe de rendre grâce.

A l'instar de ceux qui ont su être heureux dans des camps de concentration ou dans des bidonvilles alors qu'ils étaient démunis de tout, mon intime conviction est que nous avons toujours à remercier le Ciel de la vie qui nous est offerte, quelle qu'en soit l'amertume, car elle ne vient jamais sans quelque douceur.

Mais comment exprimer cela à celui ou celle qui se trouve dévasté(e) et épuisé(e) à force de souffrances ?

A moins d'être un prêtre, je ne vois pas très bien de quelle manière même un ami pourrait parler ainsi sans susciter d'incompréhension...

(à suivre, probablement)

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